Outils numériques, « Big data », sécurité des données personnelles, problèmes psycho-sociaux, etc. Loin d’être socialement et écologiquement neutre, le développement des nouvelles technologies pose de nombreuses questions. Sujet de prédilection des candidat-e-s, l’éducation n’est pas épargnée par les transformations induites par le numérique. Comment comptent-ils inculquer une « culture numérique » aux plus jeunes, tout en les protégeant de certaines dérives ?
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> Écoutez notre émission de web-radio consacrée au thème des nouvelles technologies dans la campagne présidentielle (56’55), avec :
– Philippe Bihouix, ingénieur-centralien, co-auteur du livre Le désastre de l’école numérique. Plaidoyer pour une école sans écran (Seuil, 2016)
– Michael Bourgatte, maître de conférences à l’Institut Catholique de Paris, auteur de Quelles humanités numériques pour l’éducation ? (Editions MkF, 2016)
Présentation : Céline Moncel / Réalisation : Benjamin de Radio Chez Watt et Gautier Demouveaux / Génériques : Léa Bussek
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’IL Y A une prise en compte générale des enjeux liés à l’usage des nouvelles technologies à l’école, les avis divergent sur les mesures éducatives et sur l’âge d’initiation au numérique.
Pour Jean Lassalle, par exemple, il faut que les enfants sachent se servir d’Internet avant leur entrée au collège.
Certains candidats se positionnent pour une initiation au numérique dès la plus petite enfance. Yannick Jadot, ex-candidat Europe Écologie-Les Verts (EELV) qui a rallié Benoît Hamon, nous a déclaré, je cite : « le numérique est une langue vivante à apprendre dès la maternelle et tout au long de ses études. » Un avis partagé par le candidat de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
De son côté, Emmanuel Macron souhaite plutôt attendre la fin de l’école primaire. Une position sensiblement partagée par François Fillon, pour qui il faut recentrer l’enseignement de la culture numérique[1]− Lire la tribune libre du collectif Pièces et Main-d’Oeuvre (PMO), « Les deux cultures », ou la défaite des humanités, 25 septembre 2016. / et l’apprentissage de l’informatique dès le début du collège, avec l’accent mis sur le code et l’algorithmique[2]− Lire notre article : Intelligence Artificielle : la science rongée par le mythe, 8 avril 2015. / , la création de sites Internet, l’usage des réseaux sociaux, etc.
Enfin, des candidats, comme Jacques Cheminade, sont opposés aux écrans avant 10-12 ans, tout comme François Asselineau, persuadé que les adolescents sont capables de s’auto-éduquer et d’apprendre par eux-mêmes via les nouvelles technologies.[3]− Lire la tribune libre de François Jarrige et Thomas Bouchet, L’Université sous hypnose numérique, 17 octobre 2015. /
Évoquons maintenant la question des « Big data », c’est-à-dire la collecte et l’usage des données personnelles. Cette question est en lien avec l’évolution des modèles de l’économie numérique. On pense bien entendu aux « GAFA », acronyme qui désigne les quatre géants américains de l’industrie numérique : Google, Amazon, Facebook et Apple ; mais également aux « BATX », leurs homologues chinois : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi.
C’est une question qui s’impose à toutes et tous, plus jeunes et moins jeunes. Usage des réseaux sociaux, de la gamification, du profilage commercial, etc. Bref, c’est la question des libertés qui se pose, notamment pour Marine Le Pen.
Nicolas Dupont-Aignan, de son côté, insiste sur la notion de « souveraineté numérique » et la nécessité d’avoir une stratégie nationale et européenne sur les « Big data ».
Pour Jean-Luc Mélenchon, il est nécessaire de rester vigilant et de réglementer.
Pour tous, et notamment pour Yannick Jadot, soutien du candidat du Parti Socialiste (PS) Benoît Hamon, assurer la neutralité du réseau Internet, la préservation des libertés publiques et de la vie privée est un enjeu fondamental.
> Découvrez dans le tableau récapitulatif ci-dessous les positions et les propositions des candidat-e-s concernant les nouvelles technologies :
Les candidat-e-s à l’élection présidentielle 2017 | Leurs positions et propositions concernant les nouvelles technologies |
Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) |
• Réguler les « Big data » (mais l’État est phagocyté par des intérêts qui ne sont pas ceux de la population) • Faire profiter les salariés des gains de productivité et des améliorations liés aux nouvelles technologies • Multiplier les moyens éducatifs. « Il faut cultiver les gens » face aux inégalités • Poursuivre les recherches en biologie de synthèse et génie génétique. « Aucune technique n’est problématique en soi » |
François Asselineau (Union Populaire Républicaine) |
• Assurer la neutralité réseau Internet, la préservation des libertés publiques et de la vie privée. Obtenir un code de déontologie à l’Organisation des Nations Unies (ONU) ou à l’Organisation Internationale du Travail • Retrait immédiat de la France du réseau Indect et de tout système comparable • Interdire tout puçage des êtres humains. Saisir l’ONU dans le but de mettre en place une interdiction universelle du puçage. Seul un juge pourra ordonner le fichage des données • Encadrer les fichiers nationaux de Français et interdire le stockage hors de France des données personnelles des Français • Encadrer la robotisation dans le monde du travail est difficile • Contre une éducation numérique avant l’âge de 10 ans • Bâtir une « école moderne et sereine tournée vers l’avenir » en créant un CAPES (Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement du Second degré) d’informatique en vu d’un enseignement au lycée, tout en prônant l’utilisation « modérée et intelligente » des nouvelles technologies • Remplacer les produits propriétaires par des logiciels libres, notamment dans les ministères de la Défense et de l’Éducation nationale. |
Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès) |
• Pour une politique européenne du numérique concernant les « Big data » • Créer un grand service public du numérique • Créer les emplois qualifiés du futur. Accélérer les formations en numérique, robotique, 3D, nanotechnologies, tout en portant une attention aux outils de surveillance • Contre les écrans avant 10-12 ans. • Pour un apprentissage du code après l’âge de 12 ans |
Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) |
• Réguler et taxer la collecte des « Big data ». Pour une stratégie nationale et européenne sur les « Big data » • Faire évoluer internet • Créer une agence européenne de l’informatique quantique pour soutenir la recherche • Développer de nouveaux systèmes informatiques • Créer des acteurs et des outils numériques souverains • Former les futurs ouvriers, capables de programmer et d’exploiter les outils du numérique • Développer la robotique et l’Intelligence Artificielle dans le monde du travail. « Doper les entreprises d’innovation technologiques, à condition qu’elles investissent dans le pays » • Revenir à une école du savoir, du mérite, de la pensée |
François Fillon (Les Républicains) |
• Engager un programme d’appels à projets européens pour faire de l’Europe le pôle d’innovation dans le domaine de l’Intelligence Artificielle et de la blockchain • Assurer la cyber-sécurité des citoyens, des entreprises et des institutions. Modifier le cadre réglementaire européen sur les données personnelles • Mettre en place l’« Open data » dans les services publics, en garantissant la protection des données personnelles des citoyens et les intérêts économiques de la France • Généraliser l’enseignement et la formation au numérique à tous les niveaux. Recruter des enseignants en informatique. Transformer le cours de technologie du collège en cours de « culture numérique ». Introduire un module « numérique » dans toutes les formations supérieures. Accélérer le développement de la formation professionnelle au numérique. |
Benoît Hamon (Parti Socialiste) |
• Pour un cadre très strict au niveau européen pour la protection des données personnelles. « La marchandisation de nos vies privées, de nos aspirations, c’est la partie sombre du numérique, qui est pourtant un outil extraordinaire d’horizontalisation de la société » • Garantir la loyauté des algorithmes • Pour un Traité international des libertés numériques. Faire reconnaître le droit à disposer de ses propres données et faire du numérique un outil au service de l’émancipation. Exclure les données de tous les traités commerciaux • Assurer la transition numérique des organisations et l’appropriation des usages numériques par tous • Promouvoir activement le logiciel libre • Rendre obligatoire l’affichage des consommations des outils numériques. Lutter contre l’obsolescence programmée, en soutenant notamment la recherche publique pour augmenter le cycle de vie des appareils numériques et la conception de data-centers à énergie positive • Créer une contribution sociale sur les robots, qui alimentera un Fonds de Transition Travail, dont la mission sera de créer autant d’emplois nouveaux que ceux qui disparaîtront, et de financer la formation des salariés à ces nouveaux métiers • Créer un ministère transversal de la transition numérique • Promouvoir la « Grande École du Numérique ». Accompagner les transitions professionnelles des actifs vers le numérique |
Jean Lassalle (Indépendant) |
• Faire une analyse critique des « Big data ». Pour une recherche technologique et une recherche sur les usages • La robotisation remplace des missions et en engendre d’autres. Créer les conditions du bonheur dans le travail • Permettre à l’élève d’exercer sa liberté et de maîtriser Internet et les outils de communication • Le Transhumanisme est un sujet de recherche. « Il faut regarder l’avenir avec espoir » |
Marine Le Pen (Front National) |
• Respecter les libertés. Eviter les monopoles et les manipulations de l’opinion. Favoriser l’« Open data » et les logiciels libres • Créer un moteur de recherche européen • Créer une « Charte à valeur constitutionnelle qui inclura la protection des données personnelles des Français », en obligeant notamment le stockage des données sur des serveurs installés en France. • Développer l’Intelligence Artificielle. Contre l’« uberisation ». |
Emmanuel Macron (En Marche !) |
• Réguler les « Big data » quand la collecte et l’usage impactent des secteurs d’activité complets (comme l’assurance) • Créer un marché unique du numérique en Europe. Créer un fonds de capital-risque qui permettra de financer le développement des start-ups européennes • « Le robot ne tue pas l’emploi. » « L’industrie française paie son manque de robotisation. ». Réguler l’Intelligence Artificielle quand la puissance et la vitesse des algorithmes interférent dans la prise de décision • Définir une « Stratégie nationale pour l’intelligence artificielle » |
Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) |
• « Le numérique fournit de nombreuses potentialités, mais il y a des usages dangereux ». Règlementer l’usage commercial des données privées. Faire respecter davantage les règles de la Commision Nationale de l’Informatique et des Libertés. Rester vigilant sur les libertés individuelles • Utiliser la technologie pour un travail plus émancipateur • Pour la formation au numérique dès le plus jeune âge • Développer le très haut débit sur l’ensemble du territoire français d’ici 2022 • « La technologie, de manière générale, n’est pas positive ou négative en soi » • Développer des programmes d’enseignement et de formation à la « culture numérique » • Construire des ponts générationnels avec des médiateurs numériques déployés sur tout le territoire national • Créer des « Maisons du numérique » en développant des Fab Labs • Refuser que la sphère publique travaille avec des entreprises étrangères pour préserver l’indépendance et la sécurité des données de la France. Renégocier l’accord « Privacy Shield » • Promouvoir le logiciel libre • Garantir la neutralité du réseau Internet via des infrastructures publiques • Interdire les pratiques de surveillance de masse sur internet • Interdire le fichage numérique |
Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste) |
Ne se prononce pas |
> Photo panoramique : Reynermedia / Licence CC.
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References
↑1 | − Lire la tribune libre du collectif Pièces et Main-d’Oeuvre (PMO), « Les deux cultures », ou la défaite des humanités, 25 septembre 2016. / |
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↑2 | − Lire notre article : Intelligence Artificielle : la science rongée par le mythe, 8 avril 2015. / |
↑3 | − Lire la tribune libre de François Jarrige et Thomas Bouchet, L’Université sous hypnose numérique, 17 octobre 2015. / |
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