« La science est une chose trop importante pour être laissée entre les mains des seuls savants. » (Carl E. Sagan)

Subordonner les technosciences à l’éthique

Subordonner les technosciences à l’éthique

Alors que la recherche de nouveaux savoirs honore l’espèce humaine, celle de nouveaux savoir-faire sous l’égide des marchés et d’une accélération des projets prométhéens engage la responsabilité des scientifiques. Les conséquences sur les humains, les sociétés et la nature sont telles qu’elles nécessitent le contrôle par la société. Exprimez-vous !

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> Geneviève Azam, Dominique Bourg et Jacques Testart, respectivement maître de conférences en économie à l’Université Toulouse II, philosophe à la Faculté des géosciences et de l’environnement à l’Université de Lausanne, et directeur de recherche honoraire à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

L

‘ACTUELLE crise de civilisation est le résultat d’une réduction de l’histoire humaine à un processus d’expansion par la transformation et l’accaparement de la nature, et par la transformation du travail en ressource à mobiliser et exploiter.

Cette histoire est désormais radicalement perturbée par le choc des limites matérielles à la croissance illimitée.

Au lieu de mettre en cause les fondements d’une telle situation et de formuler des propositions politiques capables de faire face à ces défis, les vannes sont ouvertes pour ne voir dans ces catastrophes qu’une insuffisance humaine ou la tyrannie d’une nature toujours mal maîtrisée.

Ainsi la technoscience permettrait d’augmenter et d’améliorer les capacités humaines pour piloter la Terre ou la reconstruire grâce à des machines et techniques « intelligentes » et de s’adresser à des experts chargés de relayer une humanité jugée défaillante et désorientée.

Dès lors que les techniques seraient disponibles, rien ne pourrait rationnellement s’opposer à la commande et au contrôle de la planète par la géo-ingénierie pour « sauver le climat », à la fusion des machines et des organismes vivants par la bio-ingénierie pour « sauver la biodiversité et le vivant », à « l’augmentation des humains »  par la sélection ou la manipulation technique et génétique visant à développer leur efficacité et leur capacité d’adaptation à un monde artificiel.

Les travaux de recherche privilégient l’innovation technique. Ils sont de plus en plus réalisés sous contrat, sans que les objectifs prioritaires soient démocratiquement justifiés, et pour des finalités inspirées par la course à la puissance et la concurrence commerciale.

Des firmes géantes organisent par ailleurs le déni et le doute quant aux avancées scientifiques pourtant solidement établies : c’est le cas en particulier pour les recherches sur le climat.

Enfin, le principe de précaution, avec toutes ses limites, est une des cibles des négociations commerciales actuelles (TAFTA et CETA).

 

CAP A PRENDRE

 

> Le texte “Subordonner les technosciences à l’éthique”, que nous publions ici dans son intégralité, est paru dans le livre “Et nous vivrons des jours heureux” (Actes Sud, novembre 2016).

Nombre de scientifiques sont devenus des lanceurs d’alerte – qu’il faut protéger par la Loi – contre les agressions d’une technoscience dont le but n’est pas de produire des connaissances mais de fournir des moyens d’intervention sur le monde grâce à la recherche finalisée, « pilotée par l’aval ».

Alors que la recherche de nouveaux savoirs honore l’espèce humaine, celle de nouveaux savoir-faire sous l’égide des marchés et d’une accélération des projets prométhéens engage la responsabilité des scientifiques.

Les conséquences sur les humains, les sociétés et la nature sont telles qu’elles nécessitent le contrôle par la société.

Depuis plusieurs décennies, des mouvements sociaux se sont emparés de ces questions et ont acquis une véritable expertise, mêlant connaissances scientifiques et expériences sur le terrain.

Ils ont aussi montré que la réponse aux défis sociaux et écologiques ne passait pas essentiellement par les hautes technologies (high tech), mais bien par des basses technologies (low tech) décentralisées, conviviales, moins coûteuses en énergie et en matières, et appropriables.

 

ACTIONS IMMÉDIATES

 

Les propositions sont inspirées de deux principes : « Tout ce qui peut être techniquement réalisé ne doit pas être obligatoirement réalisé » et « Les lobbies sont exclus des choix scientifiques et politiques. »

A. Soumettre régulièrement au Parlement l’avis d’une convention de citoyens sur les grandes priorités proposées par les acteurs de la recherche finalisée.
> Exprimez-vous !

B. Créer une Haute Autorité de l’alerte et de l’expertise et protéger les lanceurs d’alerte.
> Exprimez-vous !

C. Introduire des procédures véritablement participatives à tous les niveaux de la technoscience.
> Exprimez-vous !

D. Exclure du champ des brevets le vivant et les savoirs.
> Exprimez-vous !

E. Soutenir les expériences sociales mettant en œuvre des « low tech ».
> Exprimez-vous !

Geneviève Azam, Dominique Bourg et Jacques Testart

> Image à la Une : Wellcome Library, London / Licence CC.

 

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