« La science est une chose trop importante pour être laissée entre les mains des seuls savants. » (Carl E. Sagan)

Les études biomédicales sont-elles scientifiques ?

Des chercheurs qui ne parviennent pas à reproduire les recherches de leurs collègues… et les leurs. Selon une récente enquête, les études en biomédecine ne sont pas, dans leur ensemble, reproduites. Un problème scientifique qui soulève de nombreuses questions, en particulier en matière de santé publique.

Des chercheurs canadiens, états-uniens et australiens ont lancé un nouveau pavé dans la mare de la recherche en biomédecine. Dans une enquête publiée en novembre dernier dans la revue Plos Biology, ces scientifiques révèlent que, dans leur grande majorité, les études biomédicales ne parviennent pas à être reproduites expérimentalement.

 

Une crise de la reproductibilité.

 

Ces dernières traitent pourtant de sujets d’importance majeure : de la santé, de la vie et de la mort de milliards de personnes à travers le monde. Ce sont elles qui font autorité pour les médecins et les chercheurs, tout comme pour les industries pharmaceutiques et les politiques, en matière de santé publique notamment – comme l’a montré la crise politico-sanitaire du Covid-19.

Or, la reproductibilité des expériences est l’un des principes fondamentaux de la science moderne. Dit autrement, les observations qui sont reproduites à travers plusieurs expériences (avec la même méthode, le même matériel, les mêmes paramètres…) peuvent dès lors intégrées le corpus « officiel » des connaissances dites scientifiques. Dans le cas contraire, elles ne peuvent pas – en théorie – prétendre décrire la réalité et, partant, dire le « vrai » d’un point de vue scientifique.

 

LA REPRODUCTIBILITÉ DES EXPÉRIENCES,
UN PRINCIPE FONDAMENTAL DE LA SCIENCE

 

Pour parvenir à leur conclusion, les chercheurs canadiens, états-uniens et australiens ont questionné 1 630 scientifiques biomédicaux à travers le monde, tous auteurs en 2020 et 2021 d’au moins un article paru dans 400 revues choisies au hasard. Parmi eux, 880 ont tenté de reproduire l’expérience d’un autre chercheur. Au final, 724 d’entre eux ont échoué. Plus significatif encore, près d’un quart des personnes interrogées ont également été incapables de reproduire leur propre travail. Des chiffres qui se révèlent un peu plus bas que ceux dévoilés dans une autre enquête, menée par la revue Nature en 2016.

Autres résultats de l’enquête parue dans Plos Biology : 72 % des participants ont reconnu l’existence d’une crise de la reproductibilité en biomédecine, 27 % d’entre eux estimant que cette crise était « importante ».

 

DES CHERCHEURS ET CHERCHEUSES
SOUS PRESSION

 

Parmi les raisons qui expliquent que les expériences en biomédecine ne soient pas reproduites, les scientifiques interrogés évoquent la « pression à la publication » : 62 % d’entre eux indiquent qu’elle y contribue « toujours » ou « très souvent ».

Pourquoi ? Parce que les financements destinés à reproduire une étude tendent à manquer. Une écrasante majorité (83 %) des répondants à l’enquête de Plos Biology estime ainsi qu’il est plus difficile de financer une expérience reproduite qu’une nouvelle étude. À cet égard, ils sont 67 % à estimer que leur établissement privilégie les nouvelles recherches par rapport aux études de réplication.

Anthony Laurent, rédacteur en chef / Sciences Critiques.

 

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