« La science est une chose trop importante pour être laissée entre les mains des seuls savants. » (Carl E. Sagan)

Des chercheurs de plus en plus sûrs d’eux-mêmes

Une étude suggère que les chercheurs délaissent désormais les précautions oratoires d’usage dans la présentation des résultats de leurs recherches. Une attitude, confinant parfois à la démarche promotionnelle, qui peut avoir des conséquences préjudiciables sur la qualité de la littérature scientifique.

Les chercheurs exagèreraient-ils les résultats de leurs recherches ? C’est la conclusion d’une étude – l’une des plus importantes du genre –, publiée dans la revue spécialisée Scientometrics, ayant passé au crible le langage utilisé par les auteurs de plus de 2 600 articles scientifiques publiés dans Science de 1997 à 2021. L’étude révèle ainsi que les mots de prudence tels que « pourrait », « probablement » ou encore « semble » ont chuté d’environ 40 % au cours des vingt dernières années.

Une simple évolution dans la rédaction des articles scientifiques ? Pas seulement. Cette inflexion traduit « l’augmentation inquiétante des affirmations exagérées et peu fiables », écrit Science. Une augmentation renforcée par un contexte compétitif toujours plus exacerbé entre chercheurs et laboratoires – pour la recherche de financements et de notoriété notamment. « Si les écrits académiques deviennent plus rhétoriques, il sera plus difficile pour les lecteurs de déchiffrer ce qui est révolutionnaire et vraiment nouveau », souligne Melissa Wheeler, psychologue sociale à l’Université de technologie de Swinburne (Australie), citée dans l’article de Science.

 

il incombe aux universités et aux instituts de recherche de privilégier la qualité plutôt que la quantité des résultats obtenus par les chercheurs.

 

D’autant plus qu’une autre étude, parue en 2022, révélait que les chercheurs employaient également de plus en plus un ton positif et promotionnel dans leurs articles, en usant par exemple de superlatifs comme « révolutionnaire » et « sans précédent ». Une aberration pour Ying Wei, linguiste à l’Université de Nanjing (Chine), pour qui, au contraire, « la nature de la connaissance académique est essentiellement indéterminée », loin des affirmations assurées et péremptoires donc.

Selon Melissa Wheeler, « il incombe aux universités et aux instituts de recherche de privilégier la qualité plutôt que la quantité des résultats obtenus par les chercheurs, ce qui permettrait aux universitaires de consacrer plus de temps à la réflexion et à la production de travaux utiles plutôt qu’à la production d’autant d’articles publiables que possible. » Reste à déterminer ce qui a véritablement provoqué le déclin du langage prudent dans les articles scientifiques. Une question qui reste pour l’heure ouverte, et qui mériterait des études plus approfondies.

Anthony Laurent, rédacteur en chef / Sciences Critiques.

 

Aucun commentaire

Laisser une réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.