« La science est une chose trop importante pour être laissée entre les mains des seuls savants. » (Carl E. Sagan)

Ce que nous vivons n’est pas une guerre

Ce que nous vivons n’est pas une guerre

C’est la mondialisation qui fait de l’épidémie de Covid-19, originaire de Chine, une pandémie mondiale. Mais replaçons cette crise, cet effondrement sanitaire, dans le contexte de notre société, celui de l’Anthropocène. Car, au classement des menaces avérées pour le système-Terre, la première porte un nom : Homo Sapiens. Si l’homme persiste dans la mondialisation et dans l’asservissement de la nature, il n’est pas impossible que, d’une façon ou d’une autre, celle-ci contre-attaque.

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> Gwarr Greff, réalisateur du documentaire scientifique “L’Âge de l’Anthropocène. Des origines aux effondrements” (Toxic Music, 2020). / Crédit DR.

C

E QUE NOUS VIVONS n’est pas une guerre. Nous vivons un effondrement. Et pas simplement un effondrement des marchés boursiers, un effondrement de l’Anthropocène.[1]NDLR : Lire l’article de Stéphane Foucart : Allons-nous vraiment entrer dans l’Anthropocène ?, 25 mars 2016. /

Rappelons quelques chiffres. Dans nos campagnes, la population d’oiseaux a baissé de 30 % en vingt ans à peine.[2]− Lire l’article du journal La Croix : « Vers un monde sans oiseaux », 6 mai 2019. / En quelques semaines seulement, l’Australie perdait plus d’un milliard d’animaux dans les incendies.[3]− Lire l’article du journal Libération : « Australie : plus d’un milliard d’animaux morts dans les feux », 7 janvier 2020. / Une étude publiée dans la revue britannique Nature estime qu’un million d’espèces animales et végétales pourraient disparaître en raison du réchauffement climatique.[4]− Lire l’article du magazine en ligne Notre Planète-Info : « Un million d’espèces menacées par le réchauffement climatique », 7 janvier 2004. /

Parallèlement à ces phénomènes d’effondrement de la biodiversité, on a récemment constaté le développement d’espèces envahissantes ou invasives. Algues tropicales, plantes toxiques exogènes, nombreux sont les exemples de perches dévastatrices, de champignons phytopathogènes et de papillons colononisateurs, qui déciment leur environnement, éradiquent des populations d’insectes, d’animaux ou d’arbres jadis répandus dans nos campagnes.

Cet épisode pandémique nous place face à nos responsabilités. Car, quoiqu’on fasse, la Terre ne s’arrêtera pas de tourner.

Si l’agriculture intensive est bien connue pour favoriser le développement de propagules pathogènes et d’espèces invasives, il est avéré que le commerce international joue un rôle majeur dans leur propagation.

Je me souviens avoir regardé, impuissant, les buis de mon jardin se faire dévorer par une pyrale invasive venue de Chine par bateau, avec des lots de buis pré-taillés par une main d’œuvre bon marché. Mais le principal prédateur de ladite pyrale était le frelon asiatique, interdit de séjour en France depuis 2013.

Le Covid-19 est également originaire de Chine et, à nouveau, c’est notre organisation mondialiste qui fait de cette épidémie une pandémie mondiale.

Or, la pandémie est en soit un effondrement sanitaire. Tout comme le méga-feu est un effondrement écologique qui fait de certaines espèces animales des espèces menacées, la pandémie est une menace pour l’être humain.

Certes, tout sera fait pour éviter un effondrement massif de la population humaine. Observons les mesures mises en place par l’ensemble de nos gouvernements[5]NDLR : Lire la tribune libre de Philippe Godard, Méga corona machino virus, 26 mars 2020. / , en dehors du confinement : fermeture des commerces hors alimentation, réduction des transports de marchandises à leur strict minimum, suppression des vols internationaux, blocage drastique de la circulation des véhicules personnels, généralisation du télétravail, etc. Même les écologistes les plus radicaux ne pouvaient rêver un tel scenario !

Au classement des menaces avérées pour les écosystèmes, la première porte un nom : Homo Sapiens. Replaçons le virus dans le contexte de notre société, celui de l’Anthropocène.

L’arrêt quasi total du transport, de la consommation, de l’import-export en quelques heures… L’objectif « zéro carbone », prévu pour 2050, est à portée de main en 2020 !

Alors qu’on peinait à trouver des financements pour la transition[6]NDLR : Lire la tribune libre de François Jarrige et Jean-Louis Tornatore, Un ministère pour la transition, 15 juillet 2017. / , voilà que s’annoncent des dizaines de milliards pour sortir de la crise. On parle même de réguler les marchés, de nationaliser les compagnies aériennes en péril, de reprendre en main les hôpitaux…

Cet épisode pandémique nous place face à nos responsabilités. Car, quoiqu’on fasse, la Terre ne s’arrêtera pas de tourner et il est probable que le système-Terre sache toujours générer de quoi revenir à un équilibre systémique, en attaquant les entités qui constituent une menace pour le plus grand nombre.[7]NDLR : Lire la tribune libre de Simon Charbonneau, De la toute-puissance de la nature, 16 mars 2020. /

Un virus pour l’Anthropocène

Au classement des menaces avérées pour les écosystèmes, la première porte un nom : Homo Sapiens. Replaçons le virus dans le contexte de notre société, celui de l’Anthropocène. Si le terme « Anthropocène » vous est totalement étranger ou si vous l’avez volontairement rangé dans la commode des mots anxiogènes, entre « Anthrax » et « Anthropophage », le documentaire « L’âge de l’Anthropocène, des origines aux effondrements »[8]− Voir la version intégrale du documentaire en cliquant sur ce lien. / est fait pour vous.

Si l’homme persiste dans la mondialisation et dans l’asservissement de la nature, il n’est pas impossible que, d’une façon ou d’une autre, la nature contre-attaque.

L’Atelier d’écologie politique (Atécopol), un atelier constitué d’une centaine de chercheurs toulousains, a organisé de nombreuses conférences publiques, trans-disciplinaires, permettant la constitution de ce documentaire scientifique synthétique. Depuis début 2020, ces chercheurs ont défendu le film en prolongeant chaque projection d’un débat public.

Certes, il n’est pas question de pandémie dans ce film, puisqu’il a été achevé il y a plusieurs mois. Toutefois, les propos de l’historien des sciences Christophe Bonneuil, des économistes altermondialistes Geneviève Azam[9]NDLR : Lire notre « Trois questions à… » Geneviève Azam : « Abandonner le délire prométhéen d’une maîtrise infinie du monde », 15 septembre 2018. / et Maxime Combes ou encore de l’ingénieur agronome « collapsologue » Pablo Servigne nous éclairent sur cette façon « effondrementiste »[10]NDLR : Lire notre « Trois questions à… » Yves Cochet : « Ce qu’il faut combattre, c’est l’esprit productiviste et scientiste », 13 octobre 2019. / d’envisager le futur de notre société capitaliste.

Le Covid-19 constitue une pierre de plus à l’édifice du film, et non des moindres. Si l’homme persiste dans la mondialisation et dans l’asservissement de la nature, il n’est pas impossible que, d’une façon ou d’une autre, celle-ci contre-attaque.

Gwarr Greff

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References

References
1 NDLR : Lire l’article de Stéphane Foucart : Allons-nous vraiment entrer dans l’Anthropocène ?, 25 mars 2016. /
2 − Lire l’article du journal La Croix : « Vers un monde sans oiseaux », 6 mai 2019. /
3 − Lire l’article du journal Libération : « Australie : plus d’un milliard d’animaux morts dans les feux », 7 janvier 2020. /
4 − Lire l’article du magazine en ligne Notre Planète-Info : « Un million d’espèces menacées par le réchauffement climatique », 7 janvier 2004. /
5 NDLR : Lire la tribune libre de Philippe Godard, Méga corona machino virus, 26 mars 2020. /
6 NDLR : Lire la tribune libre de François Jarrige et Jean-Louis Tornatore, Un ministère pour la transition, 15 juillet 2017. /
7 NDLR : Lire la tribune libre de Simon Charbonneau, De la toute-puissance de la nature, 16 mars 2020. /
8 − Voir la version intégrale du documentaire en cliquant sur ce lien. /
9 NDLR : Lire notre « Trois questions à… » Geneviève Azam : « Abandonner le délire prométhéen d’une maîtrise infinie du monde », 15 septembre 2018. /
10 NDLR : Lire notre « Trois questions à… » Yves Cochet : « Ce qu’il faut combattre, c’est l’esprit productiviste et scientiste », 13 octobre 2019. /

3 Commentaires

  1. Je partage totalement la vision de l’auteur mais avec quelques remarques :
    – Dans les grands médias et dans le monde politique personne ne veut admettre que la cause de la pandémie c’est le capitalisme économique néolibéral mondialisé! De surcroît les coupables ne sont aucunement désignés ni incriminés, ils tentent même d’apparaître maintenant les “sauveurs” des emplois qu’ils ont saccagés! Ils se disent même écologistes!
    – Vous parlez d’écologistes les plus radicaux, mais moi je ne connais pas un seul vrai écologiste et notamment chez EELV! Je serais ravi d’en rencontrer!

  2. Bonjour, “AU CLASSEMENT DES MENACES AVÉRÉES POUR LES ÉCOSYSTÈMES, LA PREMIÈRE PORTE UN NOM : HOMO SAPIENS. REPLAÇONS LE VIRUS DANS LE CONTEXTE DE NOTRE SOCIÉTÉ, CELUI DE L’ANTHROPOCÈNE” écrivez-vous. Je vous invite à voir l’article du magazine CHALLENGE sur WUHAN et tous les autres qui ont requalifié la place de marché… L’Homo Sapiens, dites-vous ? Ou l’HOMO NUMERICUS qui joue les “GUGUS” avec ses nouveaux joujoux pour mettre de l’ambiance ? “To be or not to be” Sapiens? That is the question. “Science sans conscience n’est que ruine de l’âme”, disait Rabelais.

  3. Je trouve que réduire l’anthropocène à ” homo sapiens ” est un peu facile…
    L’anthropocène est surtout dû à ” homo occidentalis economicus “, faire une critique du système économique occidental ( c’est à dire le capitalisme ) – et ainsi y chercher des alternatives – sera certainement plus judicieux que de pérorer sur un effondrement de l’humanité ( juteux business en ce moment ) comme le fait Pablo Servigné ou sur l’avènement de religions néo-païenne comme l’écrit Geneviève Azam.

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